Du 21 Janvier au 12 avril 2014 au Théâtre de la Madeleine à Paris.

Le spectacle sera en tournée début 2015

LES UNS SUR LES AUTRES

Histoire d'une famille française en zone pavillonnaire

Le texte est lauréat d'Influenscènes 2012 et a reçu l'aide du CNT.


Auteur : Léonore Confino
Mise en scène :  Catherine Schaub
Assistée de : Valérie Moinet

Scénographie : Sophie Jacob
Musique : Aldo Gilbert

Costumes : Julia Allègre
Lumière : Jean Marie Prouvèze
Son et Vidéo : Benoit Simon

Avec:
Agnès JAOUI
Pierre VIAL
Olivier FALIEZ
Marie PETIOT
Benjamin WITT

RÉSUMÉ :
Une famille, aujourd’hui. Grand-père, père, mère, fils, fille et chien habitent un pavillon de banlieue de bon standing. Ou plutôt, cohabitent : chacun dans sa bulle, ils se croisent, s’entrechoquent, comme des étrangers contraints de vivre sous un même toit, oubliant qu’ils partagent une même origine, une même histoire.

Leurs échanges sont nourris par leurs réflexes de consommateur, jusqu’au gavage. Ils purgent par le verbe les clichés qu’ils ont ingurgités du monde extérieur : marques, logos, abréviations, acronymes, onomatopées, anglicismes, chacun expulse à sa manière le hachis de son cerveau.  La mère se noie dans un débordement physique et verbal constant, le fils - entre 2 expériences médicales sur son chien – traque sur le net des photos trashs de prisonniers irakiens, sa sœur Jane souffre d’anorexie au point d’atteindre les 1,5kg (personnage transparent durant la moitié de la pièce), le grand-père refuse de se laver et le père use le paillasson, à force d’hésiter entre partir de cette absurde machine ou rester.
A la mort du grand-père, explose une vérité. Un moteur inconscient jusqu’ici larvé dans le ventre de chacun. Les repères tremblent. La famille, sans pour autant se délester de ses joyeuses névroses, s’apprivoise autrement. La parole, crue et vraie, jaillit. Une digestion triviale du passé commence…


EXTRAIT 1 :

PÈRE:

Quelqu’un reveut du crumble de chez picard?

MERE:

Tout le monde reveut du crumble de chez picard chéri. Tout le monde souhaite que nous prolongions ce dîner en famille. Nous finirons par un digestif pour les adultes et du déca pour les enfants. Plus tard, nous irons aux toilettes les uns après les autres, feuilleter ces éternels magazines écornés en poussant vers le fond de la cuvette ce que nous mastiquons ensemble. Nos ventres s’entremêleront dans la fosse septique et avant de sortir, nous mettrons un coup de pshitt pschitt par respect pour les autres, par respect pour nous-mêmes. Et c’est bien. Tout cela me plait. C’est ça une  famille, non?

PÈRE:

Oui Louise.

 

JANE et ROBIN:

 

Oui man.

 

MERE:

 

Demain, nous recommencerons. Plus tard, nous garderons un bon souvenir. Un souvenir vrai. Sans surprises, je vous l’accorde, mais un souvenir béton. Qui se fout pas de votre gueule. Allez. On mange. Vous pouvez discuter aussi.

 

Tous finissent le repas en silence, observant la mère avec méfiance.

 

Elle avale son digestif.

 

MERE:

 

Quand vous aurez fini nous irons déterrer grand-mère.

 

 

 

EXTRAIT 2 :

 

JANE au téléphone.

 

 

36 kg. Elodie, elle pèse 41kg mais pour 1m70. Elle cartonne. Elle a une morphologie. Elle brûle. Moi je suis une stockeuse. Même pour les gras non saturés. Il va falloir que je passe à l’anneau gastrique. Tu pourrais pas me filer le tien quand t’auras atteint tes objectifs ? J’ai demandé. Pour mon anniv. Et alors ? Rien. M’man m’a resservi de la purée. Elle comprend rien. Et j’ai lu ce matin sur le tchat, il y a un médecin qui dit qu’on est pluggé sur le poids de sa mère. T’imagines. Tu l’as vue ma mère. Non. Si tu te fais gerber, tu vides ton estomac de son acide et ensuite, tu brûles moins bien. Intox. Il vaut mieux se priver. Si tu craques, viande crue : tartare ou carpaccio, sans sauce, derrière tu tiens 3 ou 4 jours avec un bol de fromage blanc 0% par jour. Ouais. Sur Slim’pro, Karolina elle dit qu’il faut réussir à enfiler sans galérer un levis 501 taille 10 ans. J’en ai un à la maison. Tu pourras venir passer le test. Normal. Entraide. Tu fais quoi pour les vacances ?

Robin entre.

 

 

ROBIN :

 

Passe le phone.

JANE :
Va mourir.

ROBIN:
Donne.

 


JANE continue sa conversation:
…On reste ici. Tout le monde a commencé à s’embrouiller sur la destination. Moi, les voyages anyway. Bagages Musée église bagages musée église bagages musée église avec des wifis pourries. Ca me gave. Du coup on a lâché l’affaire.


EXTRAIT 3 :

 

MERE :

 

Hooooohui.

 

PERE :
Chlaaaaaaa.

 

MERE :
Haaaaaaaaaaaan.

PERE :
GggggNia.

MERE :
Haaaaaaaaaaaaan.

PERE :
HoupfRnia.

MERE :
Vouiiiiiiiiiiiiiiiiiiii. Han. Han. Han. Mmmhan.

PERE :
Taaaaaaa.

MERE :
Hmmmmmmmm.

PERE :
Taaaaaaaaa

MERE :
Hoooooooooo

PERE :
Nia.

MERE :
NCooooooore

PERE :
Taaa. Niaaa.

MERE :
Hein ?

PERE :
Nia.

MERE :
Non non non. Avant nia. Tu as dit Tania. T’as dit Tania. Ne Nie pas. Tania.

PERE :
Tu te trompes.

MERE :
Tu me trompes.

PERE :
Avec qui on peut savoir ?

MERE :
Tania.

PERE :
Pourquoi cette manie ?

MERE :
Tania. Tania. Tu travailles avec des russes ? Tania…

PERE :
Arrête. Pourquoi systématiquement et sans aucune considération pour notre binôme, tu trouves toujours le moyen de couper l’ascension de ma sève par je ne sais quoi, un reproche, un ongle cassé, une sécheresse mal placée…je prends l’initiative – et cela va à coup sûr me coûter moult coïts - de mettre le doigt sur ce réflexe pour susciter un cheminement dans les tréfonds de ton inconscient castrateur.

MERE :
Moi ? Un incon ? Un incon ? Castra ? Moi ? Reu ben prrrou. C’est trop. Avec tout le travail que je fais sur moi. Trop. Je craque. Hu. Hu. hin. J’ai mal. Mal au ventre. Ces reproches. D’un coup. La goutte. C’est que. Chai pas. Fiou. C’est dur en ce moment. Je gère tout. Le. Le. Et puis Le…fin. Bon. Et à force de gérer ben. Fiou. Ca craque.

PERE :
Tu pleures.Avec moi, tu le sais, ça marche à tous les coups. Tu me vois incapable de poursuivre mes revendications. Viens contre mon torse. Là. Je te protège.